Les grands
classiques

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Les grands<br>classiques

Jean de LA CEPPÈDE
1550 - 1623

Vexilla regis

Les Cornettes du Roy volent par la campaigne,
La Croix mysterieuse éclate un nouveau jour,
Où l'Autheur de la chair, de sa chair s'accompaigne
Et fait de son Gibet un Theatre d'Amour.

Là pour nostre rachept, là, pour nostre doctrine
Il tend ores ses mains, tend ses deux pieds aux cloux,
Tandis les cloux d'amour cloüent dans sa poitrine
Son coeur tout amoureux, qui s'immole pour nous.

Mort sur cette potence une lance outrageuse
Luy perce le costé, d'où surgeonne soudain
De son sang, et d'eau vive une onde avantageuse
Pour lancer le bourbier, qu'il a tant à desdain.

C'est ce qu'obscurement le bon David souspire,
C'est ores que suivant ses prophetiques vers
Du Bois, le Tout-Puissant établit son Empire,
Qu'au Bois, que par le Bois il regit l'univers.

Arbre brillant et beau, que la pourpre Royale
Pare, orne, vermillonne, enlumine, enrichit,
De quel tige t'éleut cette ame déloyale,
Qui pour ces membres saincts en gibet t'affranchit ?

Arbre trois-fois heureux, qui vois pendre à tes branches
La rançon de ce Tout, tu balances ce Corps
Qui nos pechez balance. En toy sont nos revanches,
Tu reprens sa reprinse au Coursaire des morts.

Ô Croix, que mon espoir à tes bouts aboutisse,
A ce jour que le sang sur toy coule à randon,
Augmente, s'il te plait, aux justes la justice,
Et donne aux criminels le désiré pardon.

Esprits que cette Croix, que ce Gibet recrée
Au sainct los du Trin'-un rangez tous vos propos.
Trin'-un, qui nous sauvez par cette Croix sacrée
Guidez nous, guindez nous au sublime repos.